Effets directs et indirects des populations de cerf au sein des écosystèmes forestiers

Effets directs et indirects des populations de cerf au sein des écosystèmes forestiers : le cas du cerf à queue blanche aux Etats Unis

Lecture de l’article: Direct and indirect effects of white-tailed deer in forest ecosystems. Rooney TP. and Waller DM. Forest Ecology and Management 181 (2003) pp 165-176.

 

L’influence exercée par les grands herbivores sur les communautés végétales est connue de longue date, et les différentes espèces de cerfs notamment ont des effets reconnus sur les communautés biotiques et spécialement forestières. L’intensité de ces effets varie en fonction de la densité de population d’animaux qui elle-même est susceptible de varier dans l’espace et dans le temps.

Le cerf à queue blanche (Odocoileus virginianus), a vu ses populations augmenter fortement aux Etats Unis durant ces dernières décennies. Par exemple, dans le Wisconsin, les cerfs – qui avaient été complètement éradiqués après l’arrivée des premiers européens sur le continent – ont vu leurs effectifs augmenter progressivement pour atteindre 10 animaux au km² en moyenne (2002). Cela s’explique par le fort taux de reproduction de cette espèce qui n’est plus contrebalancé par un taux de mortalité élevé : trop peu de prédateurs naturels, trop peu de prélèvements par la chasse, trop peu de mortalités naturelles…

Dans cet article, les auteurs examinent les effets directs et indirects engendrés par ces effectifs de cerfs de plus en plus importants au sein des écosystèmes forestiers.

Parmi les effets directs, le plus évident est bien sûr l’herbivorie. Cette herbivorie s’exerce d’une part sur les jeunes semis ligneux mais aussi sur les espèces herbacées. Lorsqu’une espèce d’arbre est très consommée, la régénération des forêts et donc la stabilité à terme de l’écosystème forestier peuvent être très compromises. Cependant tel n’est pas toujours le cas et il arrive que certaines espèces ligneuses soient au contraire favorisées lorsque les densités d’animaux sont moyennes et que les cerfs consomment préférentiellement des espèces concurrentes. Alors que les effets de l’herbivorie sur les espèces ligneuses commercialisables a été très étudié, il convient de noter que la flore du sous-bois représente elle aussi un enjeu important, puisque ce groupe comprend la plus grande partie de la biodiversité végétale dans les forêts tempérées et boréales. A partir d’une analyse historique sur une quarantaine d’années dans l’Etat du Wisconsin, les auteurs montrent que la diversité de la strate herbacée du sous-bois a significativement diminué sur cette période. Cette diminution pourrait être imputée à de nombreuses causes mais il est significatif de remarquer que le recouvrement d’espèces non consommées par les cerfs comme les fougères ou les graminées a augmenté en parallèle.

 

Les effets indirects se produisent lorsque les cerfs affectent une espèce via une seconde espèce qui interagit avec la première. L’herbivorie par les cerfs a pour effet de réduire la quantité de végétaux disponibles pour d’autres espèces herbivores et est donc susceptible de modifier le fonctionnement des chaines trophiques. Par exemple, la diminution de biodiversité végétale affecte les populations d’insectes herbivores ou pollinisateurs. D’autre part, en consommant sélectivement certaines espèces de plantes au bénéfice d’autres espèces moins digestes, les cerfs affectent en profondeur les termes de la compétition interspécifique entre plantes en faveur des espèces pas ou peu consommées. De plus, lorsque la pression d’herbivorie est importante, la structure stratifiée du couvert végétal forestier est notablement affectée, ce qui se traduit par la perte d’habitat favorable pour les espèces qui dépendent de ces strates. Par exemple, la disparition du couvert du sous-bois  peut augmenter le taux de prédation pour certaines espèces d’oiseaux nichant au sol, ou certains petits mammifères. Au contraire dans le cas d’espèces qui établissent préférentiellement leurs nids sur sol nu (certains hyménoptères par exemple), cette disparition du couvert peut être bénéfique. Enfin, un taux d’herbivorie important peut affecter significativement le cycle des nutriments dans le sol. En effet, la consommation sélective des espèces végétales se traduit par des modifications de la quantité et/ou la qualité de litière au sol, et donc de la vitesse de dégradation globale de la litière. De plus lorsque la fréquentation par les animaux est concentrée sur certains sites, l’apport d’azote par les excréments peut être non négligeable.

Marie Baltzinger

 

Les lecteurs intéressés peuvent consulter l’article original en suivant ce lien :

http://www.botany.wisc.edu/waller/PDFs/rooneywaller03.pdf

Bien privé, bien commun et valeurs partagées – L’exemple de la haute vallée de Yellowstone aux Etats Unis

La gestion des populations de grands ongulés sauvages à l’échelle des territoires : bien privé, bien commun et valeurs partagées. L’exemple de la haute vallée de Yellowstone aux Etats Unis

Lecture de l’article : Out of administrative control : Absentee owners, resident elk and the shifting nature of wildlife management in southwestern Montana. Hobson Haggerty J. and Travis WR. Geoforum 37 (2006) pp 816-830.

 

La Vallée de la Yellowstone est située au nord-ouest des Etats Unis ; elle est célèbre dans le monde entier pour son parc national créé en 1872, soit le plus ancien parc national du monde. Ce parc abrite de nombreux grands mammifères comme des ours noirs, des grizzlys, des coyotes, des loups, des élans (orignaux), des cerfs ou encore des troupeaux sauvages de bisons et de wapitis. Ces populations d’animaux sauvages, et les cerfs notamment, dépendent en fait pour partie non seulement de l’espace protégé que représente le Parc mais aussi des espaces périphériques qui sont non-protégés et donc ouverts à la chasse. Ces espaces périphériques, régulièrement parcourus par les cerfs, sont détenus par la puissance publique (forêts notamment) mais aussi par des propriétaires privés. Ainsi sur les Districts de chasse 313 et 314 (correspondant à la haute vallée de la Yellowstone) 71% et 46% de l’habitat d’hiver de ces cerfs est situé sur des propriétés privées.

Depuis 1960, les autorités publiques en charge de la gestion des populations d’animaux sauvages semblent avoir ‘perdu le contrôle’ de la situation et ce pour deux raisons majeures :

  • L’augmentation importante des populations de cerf en lien avec la politique de protection à l’intérieur du Parc
  • Les nombreux changements de propriétaires, induisant notamment des changements de valeurs et des changements de pratiques sur les surfaces gérées en propriété privée.

 

En effet, avant 1960, la gestion des populations de cerf reposait sur un consensus entre les autorités publiques en charge de la gestion de la faune sauvage, les gestionnaires des espaces publics, les propriétaires privés et les chasseurs. Ce consensus autour de ‘valeurs écologiques communes’ rendait possible par exemple le libre accès aux propriétés privées pour les chasseurs, et la réalisation des objectifs de plans de chasse fixés par les autorités publiques, dans le cadre d’une situation ‘gagnant-gagnant’.

 

Depuis 1960, ce consensus autour de valeurs communes a été érodé en premier lieu par l’augmentation des populations de cerfs, qui ont de ce fait augmenté leur pression sur les espaces privés et compromis la production agricole en concurrençant le bétail domestique. De plus des mésententes sont survenues entre propriétaires-agriculteurs d’une part et chasseurs d’autre part, compromettant le libre-accès des chasseurs aux propriétés privées, ce qui a eu pour résultat de favoriser l’augmentation des populations des cerfs ainsi que la pression écologique exercée par ces animaux sur les propriétés privées. Enfin, l’exode rural et les changements ‘de fond’ dans la société ont induit un remplacement progressif des propriétaires-agriculteurs par des propriétaires-résidents secondaires. Ces nouveaux propriétaires diffèrent des anciens en ce qu’ils envisagent leur propriété non plus comme un espace productif mais comme un espace de loisir. De ce fait, leur façon d’envisager la gestion de la faune sauvage diffère drastiquement de celle des propriétaires-agriculteurs : qu’ils envisagent leur propriété comme un lieu dédié à la chasse ou comme un espace de loisir et de repos au cœur de la nature, la pression écologique exercée par les animaux sauvages sur leur propriété n’entre en tout état de cause pas en concurrence avec leurs attentes personnelles. Il découle de cela, entre autres, que les nouveaux propriétaires résidents-secondaires sont plus enclins à envisager l’accès à leur propriété comme un droit exclusif, au contraire de la vision qui avait cours précédemment chez les propriétaires-agriculteurs (cette tolérance était en effet liée au fait qu’il était dans l’intérêt des agriculteurs d’autoriser le libre accès aux chasseurs, afin de réguler les populations d’animaux sur leurs propriétés). Les auteurs estiment que la surface détenue par des propriétaires privés et accessible au public est passée de 63% en 1979 à 49% en 2003. Les auteurs concluent que ces deux facteurs majeurs (1) l'augmentation des populations d’animaux, (2) l'érosion du consensus autour de la gestion des populations d'animaux sauvages expliquent la situation critique observée dans la haute vallée de la Yellowstone, où les populations de cerfs seraient ‘hors de contrôle’.

 

Marie Baltzinger

 

Les lecteurs intéressés peuvent consulter l’article original en suivant ce lien :

http://sciencepolicy.colorado.edu/admin/publication_files/resource-2662-2006.23.pdf

 

Les ongulés sauvages – vecteurs de dissémination des plantes à l’échelle du paysage

Dans un article récent apparu dans la revue scientifique "Plant Ecology and Evolution", Picard et Baltzinger ont étudié le rôle que jouent les ongulés sauvages en tant que vecteurs de dissémination des plantes. Les deux chercheurs ont scrupuleusement cherché des graines transportées involontairement par les animaux dans leur pelage ou dans leurs sabots. lls ont étudié des animaux tués à la chasse pour les trois espèces d'ongulés sauvages de plaine les plus communes en France : le cerf élpahe, le chevreuil et le sanglier.

Les chercheurs ont trouvé une très grande diversité d'espèces de plantes dans le pelage et dans les sabots des animaux étudiés. Ils ont montré que ces animaux ne transportent pas seulement des graines avec des adaptations évolutives à l'épizoochorie (le transport externe des graines par des animaux) telle que les crochets ou des aiguillons conçus pour s'accrocher aux poils des animaux, mais également des graines d'espèces de plantes connues pour être disséminer par d'autres moyens (par exemple par le vent ou par l'eau).  Ils ont également démontré que le sanglier transportait plus de graines que le cerf élaphe et le chevreuil à la fois en quantité, en richesse et en diversité d'espèces de plantes. 

Pour lire l'article: http://dx.doi.org/10.5091/plecevo.2012.689

 

[Annonce] Réunion de lancement du programme Dysperse, 30 nov 2012, Ligny-le-Ribault

Les membres du programme Dysperse organisent une réunion de lancement ouvert à tout public le Vendredi 30 novembre 2012 de 20h00 à 22h30  à la salle polyvalente de Ligny le Ribault.

Dysperse1 est un programme de trois années pour mieux comprendre à l'échelle de la Sologne l'effet des clôtures sur les populations de grands ongulés sauvages et, indirectement, sur les milieux naturels et les "services" que ces milieux naturels rendent aux activités humaines comme la forêt, la chasse, le tourisme …

Nous souhaitons collaborer étroitement avec vous-mêmes et les divers acteurs impliqués en Sologne, propriétaires, acteurs et responsables de diverses activités concernées par l'objet de ce programme, c'est pourquoi nous vous invitons à la

Réunion de lancement du programme Dysperse

 Le Vendredi 30 novembre 2012 de 20 heures à 22h30

À la Salle polyvalente de Ligny le Ribault

Place du 11 Novembre

45240 LIGNY LE RIBAULT

Ce travail sera conduit sous la responsabilité de l'institut de recherche Irstea de Nogent sur Vernisson (anciennement CEMAGREF), organisme qui a déjà effectué un travail de recherche en Sologne sur l'équilibre Forêt-Cervidés dans le massif du Cosson (travaux publiés en 2007).

Dysperse associe divers partenaires : l'université d'Orléans (Cedete), le bureau d'études Biotope, le laboratoire CEFS de l'INRA de Toulouse, l'Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage et le cabinet Trans-Formation Consultants qui a animé pour le compte du Pays Grande Sologne un travail en concertation sur les clôtures en 2011. Dysperse est financé par le Conseil Régional et l'Etat. Il est en lien avec divers autres sujets en rapport avec la continuité écologique des habitats naturels comme la Trame Verte et Bleue.

 Dans le souhait de nous rencontrer prochainement à l'occasion de cette réunion, nous vous prions de croire, Madame, Monsieur, à l'expression de nos salutations distinguées.


1DYnamique SPatiale et temporelle de l'EngRillagement en Sologne et Services Ecosystémiques

 

 

Les clôtures en Sologne, radio MEGA FM

Christophe Baltzinger (Ingénieur-Chercheur, Irstea) et Yves Froissat (Consultant et Formateur, Trans-Formation Consultants) du projet DYSPERSE et Patrice Martin-Lalande (président du syndicat mixte du Pays de Grande Sologne) ont participé le 21 septembre 2012 à l’enregistrement de l’émission radio « la Sologne, terre d’identité et de qualité » dans le magazine éco-innovation en Grande Sologne de MEGA FM (radio locale qui diffuse sur le Loiret et le Loir et Cher)  – Le sujet était les  « clôtures », sujet en lien avec le projet Dysperse. L'emission a été diffusée vendredi 5 octobre et vous trouverez ci-dessous le lien pour l’écouter (durée : 30 mn).