Auteur/autrice : marie.baltzinger

Paysage sonore et écologie, la symphonie du (nouveau) monde.

« […] Le jour crie au jour la louange, la nuit l’apprend à la nuit.

Ce n’est pas un langage, ce ne sont pas des paroles, dont la voix ne soit entendue.

Leur son parcourt la terre, leurs accents vont jusqu’aux extrémités du monde. C’est là qu’il a dressé une tente pour le soleil.

Et lui, semblable à l’époux qui sort de sa chambre nuptiale, s’élance joyeux, comme un héros, pour fournir sa carrière […] »

Livre des Psaumes – Psaume 19

 

Lecture de l’article: Soundscape Ecology: The Science of Sound in the Landscape.

Pijanowski BC, Villanueva-Rivera LJ, Dumyahn SL, Farina A, Krause BL, Napoletano BM, Gage SH, Pieretti N. 2011. Landscape Ecology 22: pp 959–972

 

La notion de ‘soundscape écology’ ou ‘écologie du paysage sonore’ a été théorisée par Brian Pijanowski et son équipe pour proposer un cadre conceptuel à l’étude de l’agencement des sons au sein des écosystèmes.

Pour mémoire, rappelons que l’écologie du paysage ‘classique’ a pour objet l’étude de l’agencement spatial et temporel des différents compartiments écologiques (différents « milieux ») au sein des écosystèmes et comment ces compartiments interagissent. De façon analogue, l’écologie des paysages sonores se propose d’identifier les entités sonores associées aux lieux et les interrelations spatiales et temporelles entre ces entités sonores. Ces deux disciplines, de façon plus ou moins implicite, trouvent leur ancrage dans un questionnement concernant les impacts des activités humaines sur le bon fonctionnement des écosystèmes. La question étant "comment gérer les territoires, agencer les éléments paysagers dans l’espace et dans le temps, organiser les activités humaines afin d’assurer un fonctionnement au mieux des écosystèmes naturels ?"

Le paysage sonore est conçu comme la résultante de facteurs climatiques et paysagers, qui affectent la diversité spécifique animale en un lieu donné et la donc la diversité des émissions sonores d’origine biologique. Les éléments naturels d’origine non-biologique comme les sons produits par le vent, la puie, ou l’eau par exemple contribuent également à façonner le paysage sonore (de façon analogue  la beauté visuelle d’un paysage enneigé est largement appréciée par le grand public). Mais le paysage sonore est aussi modelé par l’homme qui émet des bruits typiquement humains, de la même façon que les paysages visuels sont souvent la résultante de composantes humaines et naturelles.

Les auteurs postulent que les ‘niches sonores’ occupées par les espèces animales jouent un rôle majeur dans l’agencement des différentes espèces au sein des différents compartiments écologiques, et permettent aux espèces de coexister en synergie au sein des écosystèmes. Chaque espèce possède ainsi son répertoire sonore spécifique, qu’elle émet dans des conditions particulières et avec une rythmicité qui lui est propre. Ces émissions sonores animales sont fondamentales pour la survie de nombreuses espèces puisqu’elles permettent aux individus de s’accoupler, aux mères de retrouver leurs petits ou simplement d’avertir d’un danger. Mais qu’advient-il si les niches sonores précédemment occupées par les espèces deviennent indisponibles suite à une occupation de l’espace sonore par des sons humains d’intensité disproportionnée ? Ou si un dérèglement du paysage sonore intervient suite à la modification de la rythmicité de l’agencement des sons au sein de ce paysage ? En retour les auteurs insistent sur le fait que les aspects esthétiques des paysages sonores et leur valeur affective ont été peu étudiés. Or ils revêtent probablement une grande importance dans le bien-être et la santé mentale des êtres humains.

 

 

Marie Baltzinger

  Les lecteurs intéressés peuvent consulter l’article original en suivant ce lien :

http://research.coquipr.com/pdf/Pijanowski.etal.2011.pdf

 

et également en français :

 

http://www.lemonde.fr/planete/article/2013/03/30/l-orchestre-de-la-nature-se-tait-peu-a-peu_3150765_3244.html

 

 

Biodiversité et valeur paysagère : quel liens entre la diversité spécifique et la valeur esthétique des paysages ?

Lecture de l’article: The shared landscape: what does aesthetics have to do with ecology? Gobster PH,  Nassauer JI et Daniel TC. 2007.  Landscape Ecology 22: pp 959–972

Le concept de « paysage » recouvre une variété de notions différentes et parfois antagonistes. Pour le sens commun, le mot « paysage » renvoie à la valeur esthétique d’un lieu, et à la notion de plaisir procurée par la contemplation de ce lieu. Pour les écologues, le terme « paysage » renvoie à une certaine échelle d’analyse, intermédiaire entre le très local et le global.

Si pour le sens commun l’échelle du paysage est implicitement définie comme l’échelle perceptible « d’un seul coup d’œil », pour les écologues, l’échelle « paysagère » s’insère dans une série d’échelles emboitées les unes dans les autres comme autant de poupées russes, chacune étant le siège de processus écologiques spécifiques dépendant pour partie des échelles inférieures et déterminant pour partie les échelles supérieures.

Les interrelations entre le paysage « esthétique » et le paysage « écologique » sont complexes et mouvantes. Ainsi, les êtres humains perçoivent le paysage au moyen d’organes sensoriels tels que la vue, l’ouie, l’odorat etc… qui ont des caractéristiques spécifiques et sont capables « d’apprécier » le paysage à une échelle donnée. Ces perceptions sensorielles « objectives » sont ensuite relues de façon affective comme procurant plaisir ou déplaisir, en fonction du bagage culturel, ou psycho-social des individus. En retour, les modalités de gestion des territoires sont souvent dictées par la valeur affective attribuée aux paysages. Ainsi, un paysage apprécié sera plus facilement considéré comme méritant d’être conservé, même si à l’inverse, il fera aussi plus souvent l’objet de sur fréquentation et sera plus facilement au cœur de conflits d’usages. Il sera nettement plus compliqué de lever des fonds pour assurer la conservation de paysages peu appréciés esthétiquement par le grand public. Ultimement les modalités de gestion des territoires auront des effets écologiques non seulement à l’échelle paysagère mais aussi aux échelles supérieures et parfois inférieures, en raison de ce fameux emboitement d’échelles décrit précédemment. C’est donc le fonctionnement de l’écosystème dans son ensemble qui sera affecté par les décisions de gestion prises à l’échelle paysagère, puisque chaque échelle écologique fonctionne en interrelation avec les échelles inférieures et supérieures. Le paysage esthétique résultant en dernier lieu du paysage écologique modifié par la gestion humaine représente le bouclage de cette boucle « esthético-écologique » autour du paysage.

Comme on l’a vu, la valeur esthétique des paysages dépend en premier lieu de la perception sensorielle « objective » de ces paysages par les individus, et en second lieu des filtres culturels et philosophiques qui permettent d’attribuer des valeurs affectives positives ou négatives aux paysages. « Objectives» entre guillemets car ce que nous êtres humains percevons des paysages au moyen de nos sens n’est en fait qu’une fraction limitée des processus complexes qui contribuent au sein des écosystèmes à façonner le paysage tel que nous le voyons, le sentons ou l’entendons. En dépit de ces limitations congénitales, l’expérience sensorielle est fondamentale dans la genèse des sentiments engendrés par les paysages : il est très différent d’admirer une photographie même très artistique d’un paysage et d’être soi-même sur place, faisant l’expérience sensorielle concrète de ce paysage. L’intervention de filtres culturels et philosophiques dans l’appréciation esthétique du paysage contribue également à complexifier les relations entre paysage esthétique et paysage écologique. Mais l’existence de ces filtres permet aussi au « système paysage » d’être élastique et adaptable, puisqu’on peut par l’éducation à l’environnement par exemple faire évoluer les mentalités et les aspirations du grand public, et créer ainsi des synergies entre qualité écologique et qualité esthétique des paysages.

Finalement, la correspondance entre qualité écologique et qualité esthétique du paysage ne va pas nécessairement de soi, mais il ne tient qu’aux gestionnaires et aux politiques d’imaginer des synergies entre les deux notions. On pourra imaginer des modes de gestion combinant des objectifs esthétiques et écologiques, ou bien mettre en place des programmes de sensibilisation à l’écologie et à la préservation des espèces par exemple. Les artistes, musiciens, plasticiens, philosophes pourront aussi contribuer à faire évoluer les références esthétiques du grand public et faciliter la convergence entre paysage esthétique et paysage écologique.

Marie Baltzinger

  Les lecteurs intéressés peuvent consulter l’article original en suivant ce lien :

http://www-personal.umich.edu/~nassauer/Publications/Gobster%20et%20al%202007%20Aesthetics%20and%20Ecology.pdf

« Les Français et l’espace rural » – résultats d’un sondage

Sondage « les Français et l’espace rural » CSA /Cevipof juin-juillet 1994 : quels enseignements retenir ?

Lecture du livre : Au Bonheur des campagnes (et des provinces). Hervieu B. et Viard J. 1996. Editions de l’Aube. ISBN: 2-7526-0129-8.

 

Cet ouvrage est bâti autour d’une vaste enquête par sondage menée dans toute la France, aussi bien à la ville qu’à la campagne, en 1994. Par cette enquête, les auteurs ont cherché à comprendre comment le désir de campagne a progressivement émergé chez nos concitoyens depuis plus d’un siècle.

Un des résultats les plus marquants de cette enquête est sans doute la valeur de ‘liberté’ attachée à la campagne par près de 70% des enquêtés. Les auteurs insistent sur le fait qu’il s’agit là d’une inversion profonde des valeurs, puisqu’à la fin du XIXème siècle et au plus fort de l’exode rural, la valeur ‘liberté’ était au contraire associée à la ville, alors que les campagnes étaient vécues comme des lieux de contraintes.

Un deuxième résultat important de cette enquête est que pour 70% des enquêtés, la campagne est d’abord un paysage, avant d’être un lieu de production. Il s’agit là aussi d’une inversion drastique des valeurs et il est intéressant de noter qu’est ici à l’œuvre une appropriation collective implicite de cette campagne, puisque le ‘paysage’ appartient à tout le monde, alors qu’on conçoit très bien que ce qui est produit sur une parcelle de terre appartient seulement à celui qui a des droits sur cette terre. Les auteurs parlent ainsi de ‘publicisation des territoires’ et notent incidemment que ce phénomène est présent aussi bien en ville qu’à la campagne.

Un autre résultat fort est que les catégories socio-profesionnelles et le lieu de résidence ville / campagne ont très peu d’effet sur les opinions des enquêtés, et que ‘tout le monde pense pareil’. Par contre, les opinions diffèrent en fonction des grandes régions, avec en particulier les régions Ile de France et Méditerranée qui se distinguent toutes deux nettement (l’une par rapport à l’autre, et chacune par rapport à toutes les autres).

En fait, les enquêtés se définissent de plus en plus difficilement selon des catégories drastiques comme ‘urbain’ ou ‘rural’ mais naviguent de plus en plus entre les deux types d’espaces dans une seule semaine voir dans une seule journée. Ce phénomène de mobilité grandissant qui empêche dorénavant de faire l’adéquation territoire communal = territoire de vie des individus engendre de nombreuses interrogations chez les auteurs. Ainsi, le caractère 'nomade' de la population, navigant entre ville et campagne, permettrait de comprendre pourquoi de plus en plus de citoyens 'non-communaux'  revendiquent à tort ou à raison  un ‘droit de regard’ sur les décisions politiques prises sur des territoires n’appartenant pas à la circonscription électorale dont ils dépendent.

Ces résultats d'enquête d'opinions sont très significatifs des mutations à l'œuvre au sein de la société française et ont été corroborés depuis par d'autres enquêtes plus récentes. Ils permettent de mieux comprendre les attentes explicites ou implicites de nos concitoyens vis-à-vis de la 'campagne'.

 

Marie Baltzinger

 

Effets directs et indirects des populations de cerf au sein des écosystèmes forestiers

Effets directs et indirects des populations de cerf au sein des écosystèmes forestiers : le cas du cerf à queue blanche aux Etats Unis

Lecture de l’article: Direct and indirect effects of white-tailed deer in forest ecosystems. Rooney TP. and Waller DM. Forest Ecology and Management 181 (2003) pp 165-176.

 

L’influence exercée par les grands herbivores sur les communautés végétales est connue de longue date, et les différentes espèces de cerfs notamment ont des effets reconnus sur les communautés biotiques et spécialement forestières. L’intensité de ces effets varie en fonction de la densité de population d’animaux qui elle-même est susceptible de varier dans l’espace et dans le temps.

Le cerf à queue blanche (Odocoileus virginianus), a vu ses populations augmenter fortement aux Etats Unis durant ces dernières décennies. Par exemple, dans le Wisconsin, les cerfs – qui avaient été complètement éradiqués après l’arrivée des premiers européens sur le continent – ont vu leurs effectifs augmenter progressivement pour atteindre 10 animaux au km² en moyenne (2002). Cela s’explique par le fort taux de reproduction de cette espèce qui n’est plus contrebalancé par un taux de mortalité élevé : trop peu de prédateurs naturels, trop peu de prélèvements par la chasse, trop peu de mortalités naturelles…

Dans cet article, les auteurs examinent les effets directs et indirects engendrés par ces effectifs de cerfs de plus en plus importants au sein des écosystèmes forestiers.

Parmi les effets directs, le plus évident est bien sûr l’herbivorie. Cette herbivorie s’exerce d’une part sur les jeunes semis ligneux mais aussi sur les espèces herbacées. Lorsqu’une espèce d’arbre est très consommée, la régénération des forêts et donc la stabilité à terme de l’écosystème forestier peuvent être très compromises. Cependant tel n’est pas toujours le cas et il arrive que certaines espèces ligneuses soient au contraire favorisées lorsque les densités d’animaux sont moyennes et que les cerfs consomment préférentiellement des espèces concurrentes. Alors que les effets de l’herbivorie sur les espèces ligneuses commercialisables a été très étudié, il convient de noter que la flore du sous-bois représente elle aussi un enjeu important, puisque ce groupe comprend la plus grande partie de la biodiversité végétale dans les forêts tempérées et boréales. A partir d’une analyse historique sur une quarantaine d’années dans l’Etat du Wisconsin, les auteurs montrent que la diversité de la strate herbacée du sous-bois a significativement diminué sur cette période. Cette diminution pourrait être imputée à de nombreuses causes mais il est significatif de remarquer que le recouvrement d’espèces non consommées par les cerfs comme les fougères ou les graminées a augmenté en parallèle.

 

Les effets indirects se produisent lorsque les cerfs affectent une espèce via une seconde espèce qui interagit avec la première. L’herbivorie par les cerfs a pour effet de réduire la quantité de végétaux disponibles pour d’autres espèces herbivores et est donc susceptible de modifier le fonctionnement des chaines trophiques. Par exemple, la diminution de biodiversité végétale affecte les populations d’insectes herbivores ou pollinisateurs. D’autre part, en consommant sélectivement certaines espèces de plantes au bénéfice d’autres espèces moins digestes, les cerfs affectent en profondeur les termes de la compétition interspécifique entre plantes en faveur des espèces pas ou peu consommées. De plus, lorsque la pression d’herbivorie est importante, la structure stratifiée du couvert végétal forestier est notablement affectée, ce qui se traduit par la perte d’habitat favorable pour les espèces qui dépendent de ces strates. Par exemple, la disparition du couvert du sous-bois  peut augmenter le taux de prédation pour certaines espèces d’oiseaux nichant au sol, ou certains petits mammifères. Au contraire dans le cas d’espèces qui établissent préférentiellement leurs nids sur sol nu (certains hyménoptères par exemple), cette disparition du couvert peut être bénéfique. Enfin, un taux d’herbivorie important peut affecter significativement le cycle des nutriments dans le sol. En effet, la consommation sélective des espèces végétales se traduit par des modifications de la quantité et/ou la qualité de litière au sol, et donc de la vitesse de dégradation globale de la litière. De plus lorsque la fréquentation par les animaux est concentrée sur certains sites, l’apport d’azote par les excréments peut être non négligeable.

Marie Baltzinger

 

Les lecteurs intéressés peuvent consulter l’article original en suivant ce lien :

http://www.botany.wisc.edu/waller/PDFs/rooneywaller03.pdf

Bien privé, bien commun et valeurs partagées – L’exemple de la haute vallée de Yellowstone aux Etats Unis

La gestion des populations de grands ongulés sauvages à l’échelle des territoires : bien privé, bien commun et valeurs partagées. L’exemple de la haute vallée de Yellowstone aux Etats Unis

Lecture de l’article : Out of administrative control : Absentee owners, resident elk and the shifting nature of wildlife management in southwestern Montana. Hobson Haggerty J. and Travis WR. Geoforum 37 (2006) pp 816-830.

 

La Vallée de la Yellowstone est située au nord-ouest des Etats Unis ; elle est célèbre dans le monde entier pour son parc national créé en 1872, soit le plus ancien parc national du monde. Ce parc abrite de nombreux grands mammifères comme des ours noirs, des grizzlys, des coyotes, des loups, des élans (orignaux), des cerfs ou encore des troupeaux sauvages de bisons et de wapitis. Ces populations d’animaux sauvages, et les cerfs notamment, dépendent en fait pour partie non seulement de l’espace protégé que représente le Parc mais aussi des espaces périphériques qui sont non-protégés et donc ouverts à la chasse. Ces espaces périphériques, régulièrement parcourus par les cerfs, sont détenus par la puissance publique (forêts notamment) mais aussi par des propriétaires privés. Ainsi sur les Districts de chasse 313 et 314 (correspondant à la haute vallée de la Yellowstone) 71% et 46% de l’habitat d’hiver de ces cerfs est situé sur des propriétés privées.

Depuis 1960, les autorités publiques en charge de la gestion des populations d’animaux sauvages semblent avoir ‘perdu le contrôle’ de la situation et ce pour deux raisons majeures :

  • L’augmentation importante des populations de cerf en lien avec la politique de protection à l’intérieur du Parc
  • Les nombreux changements de propriétaires, induisant notamment des changements de valeurs et des changements de pratiques sur les surfaces gérées en propriété privée.

 

En effet, avant 1960, la gestion des populations de cerf reposait sur un consensus entre les autorités publiques en charge de la gestion de la faune sauvage, les gestionnaires des espaces publics, les propriétaires privés et les chasseurs. Ce consensus autour de ‘valeurs écologiques communes’ rendait possible par exemple le libre accès aux propriétés privées pour les chasseurs, et la réalisation des objectifs de plans de chasse fixés par les autorités publiques, dans le cadre d’une situation ‘gagnant-gagnant’.

 

Depuis 1960, ce consensus autour de valeurs communes a été érodé en premier lieu par l’augmentation des populations de cerfs, qui ont de ce fait augmenté leur pression sur les espaces privés et compromis la production agricole en concurrençant le bétail domestique. De plus des mésententes sont survenues entre propriétaires-agriculteurs d’une part et chasseurs d’autre part, compromettant le libre-accès des chasseurs aux propriétés privées, ce qui a eu pour résultat de favoriser l’augmentation des populations des cerfs ainsi que la pression écologique exercée par ces animaux sur les propriétés privées. Enfin, l’exode rural et les changements ‘de fond’ dans la société ont induit un remplacement progressif des propriétaires-agriculteurs par des propriétaires-résidents secondaires. Ces nouveaux propriétaires diffèrent des anciens en ce qu’ils envisagent leur propriété non plus comme un espace productif mais comme un espace de loisir. De ce fait, leur façon d’envisager la gestion de la faune sauvage diffère drastiquement de celle des propriétaires-agriculteurs : qu’ils envisagent leur propriété comme un lieu dédié à la chasse ou comme un espace de loisir et de repos au cœur de la nature, la pression écologique exercée par les animaux sauvages sur leur propriété n’entre en tout état de cause pas en concurrence avec leurs attentes personnelles. Il découle de cela, entre autres, que les nouveaux propriétaires résidents-secondaires sont plus enclins à envisager l’accès à leur propriété comme un droit exclusif, au contraire de la vision qui avait cours précédemment chez les propriétaires-agriculteurs (cette tolérance était en effet liée au fait qu’il était dans l’intérêt des agriculteurs d’autoriser le libre accès aux chasseurs, afin de réguler les populations d’animaux sur leurs propriétés). Les auteurs estiment que la surface détenue par des propriétaires privés et accessible au public est passée de 63% en 1979 à 49% en 2003. Les auteurs concluent que ces deux facteurs majeurs (1) l'augmentation des populations d’animaux, (2) l'érosion du consensus autour de la gestion des populations d'animaux sauvages expliquent la situation critique observée dans la haute vallée de la Yellowstone, où les populations de cerfs seraient ‘hors de contrôle’.

 

Marie Baltzinger

 

Les lecteurs intéressés peuvent consulter l’article original en suivant ce lien :

http://sciencepolicy.colorado.edu/admin/publication_files/resource-2662-2006.23.pdf