« Les Français et l’espace rural » – résultats d’un sondage

Sondage « les Français et l’espace rural » CSA /Cevipof juin-juillet 1994 : quels enseignements retenir ?

Lecture du livre : Au Bonheur des campagnes (et des provinces). Hervieu B. et Viard J. 1996. Editions de l’Aube. ISBN: 2-7526-0129-8.

 

Cet ouvrage est bâti autour d’une vaste enquête par sondage menée dans toute la France, aussi bien à la ville qu’à la campagne, en 1994. Par cette enquête, les auteurs ont cherché à comprendre comment le désir de campagne a progressivement émergé chez nos concitoyens depuis plus d’un siècle.

Un des résultats les plus marquants de cette enquête est sans doute la valeur de ‘liberté’ attachée à la campagne par près de 70% des enquêtés. Les auteurs insistent sur le fait qu’il s’agit là d’une inversion profonde des valeurs, puisqu’à la fin du XIXème siècle et au plus fort de l’exode rural, la valeur ‘liberté’ était au contraire associée à la ville, alors que les campagnes étaient vécues comme des lieux de contraintes.

Un deuxième résultat important de cette enquête est que pour 70% des enquêtés, la campagne est d’abord un paysage, avant d’être un lieu de production. Il s’agit là aussi d’une inversion drastique des valeurs et il est intéressant de noter qu’est ici à l’œuvre une appropriation collective implicite de cette campagne, puisque le ‘paysage’ appartient à tout le monde, alors qu’on conçoit très bien que ce qui est produit sur une parcelle de terre appartient seulement à celui qui a des droits sur cette terre. Les auteurs parlent ainsi de ‘publicisation des territoires’ et notent incidemment que ce phénomène est présent aussi bien en ville qu’à la campagne.

Un autre résultat fort est que les catégories socio-profesionnelles et le lieu de résidence ville / campagne ont très peu d’effet sur les opinions des enquêtés, et que ‘tout le monde pense pareil’. Par contre, les opinions diffèrent en fonction des grandes régions, avec en particulier les régions Ile de France et Méditerranée qui se distinguent toutes deux nettement (l’une par rapport à l’autre, et chacune par rapport à toutes les autres).

En fait, les enquêtés se définissent de plus en plus difficilement selon des catégories drastiques comme ‘urbain’ ou ‘rural’ mais naviguent de plus en plus entre les deux types d’espaces dans une seule semaine voir dans une seule journée. Ce phénomène de mobilité grandissant qui empêche dorénavant de faire l’adéquation territoire communal = territoire de vie des individus engendre de nombreuses interrogations chez les auteurs. Ainsi, le caractère 'nomade' de la population, navigant entre ville et campagne, permettrait de comprendre pourquoi de plus en plus de citoyens 'non-communaux'  revendiquent à tort ou à raison  un ‘droit de regard’ sur les décisions politiques prises sur des territoires n’appartenant pas à la circonscription électorale dont ils dépendent.

Ces résultats d'enquête d'opinions sont très significatifs des mutations à l'œuvre au sein de la société française et ont été corroborés depuis par d'autres enquêtes plus récentes. Ils permettent de mieux comprendre les attentes explicites ou implicites de nos concitoyens vis-à-vis de la 'campagne'.

 

Marie Baltzinger

 

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